Le dieu Odin
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    Le principal dieu de la mythologie scandinave s’appelle Odin. Il a donné son nom au mercredi (island., ódinsdagr ; vha., Wuotanesdac ; angl., wednesday ; suéd., onsdag ), ce qui justifie l’identification que faisait Tacite (Germania ) entre lui et Mercure : comme celui-ci, il est le dieu du commerce (ou, plus exactement, des cargaisons, Farmatyr ). Mais sa figure est extrêmement complexe et il faut supposer que l’image que nous en avons résulte d’apports successifs à partir d’un archétype sans doute magique (le géant à lance des pétroglyphes de l’âge du bronze nordique, à Tanumm en Suède). Ce n’est que par un avatar sans doute récent qu’il est devenu dieu de la guerre, pour les Germains continentaux comme pour Saxo Grammaticus.

 

Odin

    Il paraît, en fait, relever beaucoup plus de la première fonction dumézilienne (souveraineté, prêtrise, savoir magique), car il incarne le savoir ésotérique ; et, surtout, son nom fait de lui le dieu de la «fureur» (furor , au sens latin, serait plus juste) : ódh- ; vha., wut . Il représente les forces incontrôlables, surhumaines et frénétiques qui s’emparent de l’amant, du poète et du guerrier-fauve. Il est la marge possible réputée impensable qui décuple les pouvoirs humains à la faveur d’incitations exceptionnelles. Une terreur sacrée participe de toutes les idées que l’on nous en donne.

    Amant retors, misogyne et malveillant, il entre en collusion, par le biais de son «épouse» Frigg (probablement une forme paronymique de Freyja) avec les Vanes, dont il possède aussi l’art magique, symboliquement représenté par la connaissance des runes, par le fait qu’il ne se nourrit que de vin et que ses oiseaux préférés, les corbeaux Huginn (Pensée) et Munninn (Mémoire), l’informent des nouvelles du monde entier. Les Hávamál (Edda poétique ) résument sa sagesse et racontent ses exploits les plus représentatifs. Au demeurant, il est regardé comme le père fondateur (stamfader ) de toutes les dynasties mythiques germano-nordiques.

    Détenteur du savoir — pour l’obtention duquel il a mis un de ses yeux en gage dans la source de toute science, gardée par le géant Mímir : cela explique aussi son allure déplaisante de grand vieillard borgne et voûté, habillé d’un minable manteau et coiffé d’un chapeau à larges bords —, il a le don de prophétie et connaît toutes les destinées, y compris la sienne propre. Voilà pourquoi il est, par excellence, le dieu des poètes (skáld ), qui ont sans doute contribué d’importance à «gonfler» sa figure par la tradition, et des valkyries, qui désignent, sur ses ordres, les guerriers voués à mourir sur le champ de bataille. Il aura besoin d’eux (einherjar ) pour livrer la bataille suprême lors du Destin-des-Puissances (Ragnarök ), bien qu’il sache qu’il y périra ; et il les entretient joyeusement dans sa Valhöll (Walhalla) à festoyer et à s’entrebattre sans dommage.

    Ce savoir lui permet aussi — par des dons de métamorphose et de transmission de pensée, dont l’allure chamanique ne fait pas de doute, de même que nombre de ses attributs font référence à son «coursier», le grand arbre cosmique Yggdrasill, qui lui sert à passer de ce monde au monde des esprits, dont il fréquente les secrets — d’insuffler à ses guerriers, les chemises-d’ours (berserkir ), la fureur qui les rend invulnérables. À ce titre, il préside aussi à la fonction martiale, moins en tant que héros que comme inventeur de tactiques et de stratégies inexpugnables (la fameuse formation en coin déjà décrite par César) et comme celui qui décide de la victoire, par quelque moyen qu’elle soit acquise, ruse et fourberie incluses. C’est ce qui donne à son personnage ses traits cauteleux bien peu «divins» en apparence.

    En définitive, il correspond fort bien à l’éthique des Vikings, plus commerçants que guerriers, plus astucieux que belliqueux ; et ce sont eux, certainement, qui lui ont donné sa prééminence. On reste frappé, notamment en lisant les Grímnismál (Edda poétique ), de l’intimité dans laquelle il vit avec l’élément liquide : la semence humaine, le sang sacrificiel, les eaux oraculaires et ce nectar poétique dont il est l’«inventeur».


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